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Un Code De Déontologie Pour Les Avocats

 QUI PROFITE DE QUOI ?

 A QUI LE POUVOIR NORMATIF ?

 La déontologie peut être définie comme étant la science morale des devoirs à remplir (1) Cette science ne date que du dix-neuvième siècle puisque le mot déontologie a vue le jour en langue française dans l’ouvrage du philosophe BENTHAM en 1825, pour cet auteur ¨ l’éthique a reçu le nom plus expressif de déontologie ¨(2).L’éthique devint déontologie, mais est-ce vrai ?

La déontologie a pour objet la régulation des comportements afin d’assurer un bon rapport entre les membres d’un même groupe, mais un tel but n’est il pas atteint par l’éthique?

Alors que la déontologie fait appel aux devoirs en délimitant les limites entre le tolérable et l’intolérable, l’éthique prend en considération l’adhésion des personnes aux valeurs.

La réflexion éthique est une interrogation sur les actes et les abstentions, la déontologie guide les actes et les abstentions, elle rassemble les éléments d’un discours sur les devoirs (3).

Quid de la déontologie des avocats ?

 La déontologie des avocats sert de guide aux avocats dans leur pratique, et de référence aux instances juridictionnelles de l’ordre des avocats.

Une controverse animée par le souci de parfaire les règles de la profession d’avocat a été soulevée depuis l’année judiciaire 2004-2005 ,elle a pour objet de répondre non pas à une question préalable d’être pour ou contre un code de déontologie mais de présenter au conseil de l’ordre des avocats les observations que chaque avocat croit nécessaires au projet d’une charte de déontologie.

Ne fallait-il pas avant la rédaction du prétendu projet demander aux avocats leurs avis ?

Veulent-ils être régis par une charte de conduite ?

 Le conseil de l’ordre ne peut zapper une telle question, d’ailleurs le problème ignoré en amont est ressorti en aval lors de la session de vote à l’assemblée générale extraordinaire tenue en mai 2007 .La charte n’a pas été votée.

Pourquoi ?

 Il n’y a eu aucun débat ni sur la forme ni sur le fond de la question. Il est a savoir que la question d’être pour ou contre un code de déontologie se dédouble :On doit se pencher en premier lieu sur la nécessité des règles de déontologie,

Pour ensuite s’intéresser au problème de la compétence de l’entité ayant le pouvoir normatif. Qui profite de quoi ?(I) A qui le pouvoir normatif ? (II)

 

  I) Les règles de déontologie sont elles nécessaires aux avocats ?

  On est amené à présenter le pour et le contre de la question, les règles de déontologies sont elles sans intérêts ? (A), ou plutôt sont elles bénéfiques aux avocats ? (B)

 

 A) Règles de déontologies sans intérêt majeur.

 Pour se rallier au courant du rejet du code de déontologie du corpus juridique de la profession d’avocat nous devons défendre deux arguments :

Fausseté de la distinction entre règles de déontologie et règles régissant la profession d’avocat (1).

L’inefficacité des règles de déontologie dans la vie professionnelle (2).

 1) Distinction artificielle entre règles de déontologie et règles régissant la profession d’avocat.

Parmi les règles édictées dans la législation réglementant la profession d’avocat(4) figure nombreux principes tirés de la morale, règles dites de déontologie.

On citera surtout :

-L’indépendance exempte de toute pression (Art 3 Loi n°89-87),

-Le secret professionnel qui défend à l’avocat de divulguer les déclarations et écrits de son client portés à sa connaissance sous le sceau de la confidence (Art 39 Loi n°89-87) faisant partie du serment prêté par tout avocat voulant exercer le métier (5).

-La règle de conflit d’intérêts.

Où réside donc la nécessité d’instaurer un code moral à part dit code de conduite puisque bon nombre de principes d’ordre moral existe déjà ?

La distinction est vidée de tout intérêt.

Il en va de soit qu’abroger la loi serait plus judicieux, aux régles régissant la profession d’avocat on ajoutera les principes imposés à l’avocat dans sa relation avec les magistrats et les auxiliaires de justices.

D’ailleurs sous la forme de normes juridiques on ne peut se soucier de l’efficacité de telles régles !

 2) L’inefficacité des règles de déontologie.

 Les régles morales prises sous la forme de règlements intérieurs par les instances représentatives des avocats n’ont aucun effet à l’égard des tiers. Elles sont inopposables aux clients, aux auxiliaires de justices ,au clercs et secrétaires des avocats. Elles ne produisent d’effets que vis-à-vis des membres du corps :Les avocats.

Dans ce cas on voit mal l’intérêt de codifier des règles morales inefficaces.

Mais n’y a-t-il pas un avantage d’être soumis à de telles règles ?

 

 B) Règles de déontologie avantageuses aux avocats.

 Dans la pratique figurent plusieurs principes et règles morales non écrites, ceux-ci ne sont ni codifiés ni font partie du serment prêté par l’avocat(6).On peut inscrire des règles protectrices aux avocats, ou bien celles qui animent la cohésion entre les confrères. Ainsi il est important de mettre en exergue le principe de solidarité, d’entre aide et de confidentialité (7).

Ou aussi permettre à l’avocat de divulguer le secret professionnel en cas de nécessité, celle de se défendre lui-même. D’ou la possibilité de bénéficier de l’immunité disciplinaire dans ce cas.

Le code de déontologie servira à guider les avocats dirigeants et dirigés dans les comportements à adopter et ceux à éviter dans un double but :

-Prendre en compte les valeurs de la profession dans les décisions, ce qui responsabilise les institutions et les personnes.

-Protéger les intérêts des parties prenantes.

Il est à noter que quand bien même la loi ne pénalise pas un acte déterminé, la déontologie peut le considérer comme acte grave. Ce n’est pas parcequ’un acte est considéré légal qu’il et nécessairement moral ou déontologique !

On arrive à ‘‘ l’affirmation d’une position morale avec ou sans la permissivité de la loi du droit’’(8).

Mais sous qu’elles conditions peut-on être régie par de telles règles protectrices ? Ne faut-il pas que ces règles soient issues de la volonté de la masse ? Encore faut-il que cela soit permis ?

 

  II) Les règles de déontologie sont elles légiférées par les instances représentatives des avocats ?

 Est-ce que le pouvoir normatif revient au pouvoir législatif ou au conseil de l’ordre des avocats ? Cette question a été soulevée en pratique (9)elle n’est pas seulement d’ordre théorique. Ses effets sont importants puisqu’ils touchent deux principes fondamentaux :Celui de l’indépendance des avocats et celui de l’autonomie des institutions du corps(A).Sa portée est contradictoire elle concerne la hiérarchie des normes seule contrainte à respecter(B) .

 

 A) L’autorégulation de la profession d’avocats

 En l’absence d’un texte légal conférant un pouvoir normatif à l’ordre national des avocats il n’est pas aisé de lui concéder une telle prérogative :celle de s’autoréguler.

Allons-nous abandonner la définition des règles de notre profession au pouvoir réglementaire ? Il peut s’agir d’une mise en tutelle de la profession, D’ailleurs un pouvoir totalitaire pourrait de la sorte modifier –à son profit- les règles de la profession sans se soucier du conflit de compétence.

Peut être s’agit-il plutôt d’un transfert symbolique de compétence au pouvoir réglementaire, compétence revenant en principe aux instances représentatives des avocats si l’on considère le principe de l’indépendance des avocats (10) et celui de l’autonomie de ses instances (11). Mais cela ne peut être possible qu’après consultation et consensus de tous les avocats réunis en une assemblée générale extraordinaire, puisque l’ordre du jour a pour objet une question urgente revêtant un caractère important (12). .

Légiférer les règles de déontologie porte atteinte à l’indépendance de la profession. Le pouvoir réglementaire empiéterait sur la compétence de l’instance représentative des avocats.

En France le conseil d’état a décidé que le conseil national des barreaux dispose d’un pouvoir réglementaire, ce pouvoir s’exerce en vue d’unifier les règles et usages des barreaux dans le cadre des lois et règlements qui régissent la profession. Toutefois il trouve sa limite dans les droits et libertés qui appartiennent aux avocats et dans les règles essentielles de l’exercice de la profession….(13).

Mais de quelles normes s’agit-il ?

 

 B) Hiérarchie des normes et règles de déontologie

 On ne peut nier l’existence de plusieurs règles de déontologie dans la loi organique,ce qui ne porte pas atteinte à l’autonomie des instances représentatives des avocats. Aucune menace à l’autorégulation conférée aux avocats n’est à soulever . Les instances représentatives auront à légiférer les normes d’application au sein des règlements intérieurs ou des chartes.

Ce qui revient à dire que la loi pose les principes, les instances représentatives fixent les modalités d’application et codifient les usages et normes précises.

Par conséquent les normes et décisions seront subordonnées à la loi, elles sont complémentaires à celle-ci (14).

N’auront-elles qu’une portée limitée ?

Les règles de déontologie exprimées par les instances représentatives des avocats auront la portée que la loi a toujours délimitée, celle de règles internes qui ne sont opposables qu’aux membres du même corps.

Elles auront a définir les droits et devoirs des avocats dans leurs relations avec leurs confrères, leurs clercs, les magistrats, les auxiliaires de justices, leurs clients pour que règne la cohésion, l’unité, l’entraide et l’intégrité dans le cadre de la discipline. Car sans discipline il y’a mépris, mépris de soi.

Et peu importe que ces règles ne soient pas opposables aux tiers, d’ailleurs elles ne peuvent l’être puisqu’elles ne concernent que les parties à la charte de déontologie.

Mais cela ne peut être possible qu’après passage au vote. Les avocats, tous les avocats (supposition utopique !) devront s’y faire s’ils veulent être entendu(15). D’ailleurs ils (le quart des avocats) ont le droit s’ils sont en exercice (hormis les stagiaires), de demander par écrit la tenue d’une A.G.E lorsqu’il s’agit d’une question qualifiée par le législateur d’urgente et (condition additionnelle) ayant une importance sur le plan régional ou national.

Un exemple nous a été proposé dans l’article 53 Loi n°89-87 ‘‘l’élaboration des règlements intérieurs et son amendement’’.

On considérera que le code de déontologie étant une question urgente et importante sur le plan national, entre dans le cadre de l’article 53 précité .

Les avocats auront à répondre à une question préalable :

Veulent-ils d’un code de déontologie ?(Mais ont-ils déjà répondu à cette question ? )

En second lieu ils auront à définir leurs règles de conduite, ces règles devront émaner des membres après concertation et minutieuse préparation allant de la discussion jusqu’à l’ultime rédaction, car il faut bien débattre avant de promulguer.

L’analyse devra répondre à quatre problématiques :

-La ratione personae(Qui édicte le code et à qui s’applique t-il ?)

-La ratione loci(Quel est le domaine du code ?)

-La ratione materiae(Quelles sont les matières du code ?)

-Les sanctions et les procédures(Quelles sont les modalités d’application ?).

Concluons par dire que seuls les avocats doivent profiter des règles qui émaneront de leur initiative, car inspirées des usages et pratiques vécus,puisque l’autorégulation exige par définition la participation de tous.

Et peu importe l’issue du vote car même si les avocats seraient contre un tel code il ne peut s’agir que de la volonté de la masse !

Cette masse devra tout d’abord en sentir la nécessité pour en assumer ensuite la responsabilité.

 


 

(1)Voir Encyclopédie libre in http://fr.wikipedia.org

Origine grecque du mot voulant dire discours (logos) de ce qu’il faut faire (ontos)

(2)Voir essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d’art et sciences. BENTHAM.

En Droit le mot déontologie est apparut à la libération française sur l’initiative de PORTES président de l’ordre des médecins,en application de l’ordonnance du 24/09/1945,le décret d’état du 27/06/1946 a défini le premier code de déontologie médicale.

(3)Voir BOUNON Laurence : Les rapports entre éthique, morale, devoir, déontologie, Droit et loi.

in http://pagesperso-orange.fr/usp.lamirandiere/morale_lb.htm

(4)La profession d’avocat est régie par la loi organique n°89-87 du 07/09/1989 portant organisation de la profession d’avocat, JORT n°61 du 12/09/1989.P :1385.(Voir l’annexe pour le recueil des textes ).

(5) Art 5 Loi n°89-87, voir aussi : الأستاذ حافظ بن صالح : خواطر حول مسألة حياد الموظف العمومي بتونس.مركز الدراسات و البحوث الإدارية للمغرب العربي.عدد15 جوان 1981 ص 15. رابح الخرافي (المحامي) :مقالات في مهنة المحاماة التونسية.دار قتيبة 2004. ص 79 إلى 88 .

(6)L’avocat peut être attaqué pour parjure s’il porte atteinte au serment.

(7)La confidentialité couvre l’échange d’écrits et des communications verbales entre avocats permettant de sécuriser les négociations.

(8)Voir BOUNON (L) :Précité .p :5.

(9)En France entre juillet et octobre 2004, Voir le rapport national sur l’avant projet du Décret sur les règles déontologiques de la profession d’avocat présenté à l’assemblée générale du 23/ 10/2004 par M. Jean Michel BRAUNSCHWEIG

(10)Voir l’art 1 Loi n°89-87 : La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante…

(11)Voir l’art 48 Loi n°89-87 .

(12) Voir art 53 Loi n°89-87 .

(13)Conseil d’état n°268075 du 17/11/2004 (Société d’exercice libéral Landwell et associés et Société d’avocats Ey Law) in Rajf.org /Avocats et autres professions judiciaires.

Mais c’est l’article 38-1 incéré dans le décret du 27/11/1991 qui a reconnu au conseil national des barreaux un véritable pouvoir réglementaire il est dit que ‘‘les décisions prises par le conseil national des barreaux seront désormais publiées au journal officiel de la république française’’ Voir www.legifrance.gouv.fr

(14)Le code de déontologie précise les dispositions réglementaires concernant un exercice professionnel. Elles sont subordonnées à d’autres textes plus importants, la constitution et les lois.

(15) Le 1/3 au moins des avocats ayant le droit de voter doivent assister à l’A.G.E .La décision est prise à la majorité absolue des voix ,en cas d’impossibilité une deuxième assemblée devra se réunir dans délai non inférieur à 15 jours ni supérieur à 30 jours, on se suffira à la majorité des présents. Voir l’art 53 Loi n°89-87 .